Les canards s'en lavent les pattes

Croisière en gabarot - juillet 2002

par Jean-Bernard Forie


Jeudi 25 juillet 2002

En longeant l'île de Patiras En longeant l'île de Patiras - Photo J-B Forie

Beau temps, calme plat, marée basse. Je longe à l'aviron la rive de l'île de Patiras. C'est une petite exploration très instructive. Je repère de petites plages de gravier où il fera bon revenir avec la famille et des amis. Je passe devant l'épave d'un chalutier que les tempêtes ont disloqué.

J'approche de la pointe nord de l'île. Je sais que se trouve au pied du phare désaffecté la maison du gardien qui a été vendue récemment.

L'estey de Patiras L'estey de Patiras - Photo J-B Forie

Je débarque, très surpris : où sont les ronciers gigantesques, les taillis impénétrables et les ruines humides que j'ai connus ?

Voici au contraire un petit port bien dégagé…

Patiras : la maison du gardien telle que je l'ai vue en 2002 Patiras : la maison du gardien telle que je l'ai vue en 2002 - Photo J-B Forie

…puis un domaine bien ordonné à l'herbe bien tondue, avec un jardin potager et un bûcher. Un mince filet de fumée bleutée s'élève de la cheminée :
il y a quelqu'un.

Savoir musarder entre les îles, de Patiras jusqu'à Pauillac

Je fais demi-tour, par discrétion, et je rembarque. Toujours pas de vent. C'est à l'aviron que je traverse la Gironde, en direction de Pauillac. Le courant me dépale énormément vers l'aval et je ne peux mettre pied à terre qu'au nord de la zone industrielle, à deux milles du port de plaisance.

L'attente, à proximité de Pauillac, entre d'anciens corps morts L'attente, à proximité de Pauillac, entre d'anciens corps morts - Photo J-B Forie

Grâce au téléphone portable je guide Benoît à ma rencontre, et une fois que nous nous sommes rejoints je contacte mes amis Catherine et Christian Lippinois, qui nous attendent à bord de leur dériveur en acier de 10 mètres mouillé entre les îles. C'est parfait.

15h : « Plénitude » est échoué sur un lit de pierrailles mêlées de vase, là où l'estey du Lazaret se jette dans l'estuaire. Benoît est assis sur une grosse pierre, au sommet de l'estran, et me raconte les péripéties de sa vie parisienne. Il s'avoue être sous le choc, en se retrouvant ici, d'un changement de monde aussi complet que rapide.

Un cargo surgit, profitant de la renverse pour remonter sur Bassens. Nous prenons le liston du canot à pleine main pour amortir le ressac qui signe sur la berge le passage du grand navire. L'eau monte vite, et nous partons.

J'ai établi toute la toile sur les deux mâts, et malgré la faible brise nous avançons vite. Nous revenons vers le phare de Patiras que je veux montrer à mon équipier. Le propriétaire des lieux est absent et ses dogues gardent le domaine. Ils se précipitent sur la berge en aboyant, ils dévalent sans ralentir l'estran vaseux et hurlent devant l'étrave. L'un d'eux se redresse et appuie ses pattes de devant sur le bordage. Les babines baveuses, l'œil interrogateur, il scrute les intrus en haletant. D'une poussée sur les avirons, nous repartons.

Nous repassons devant la rive explorée ce matin, à la recherche de ces minuscules plages de gravier, en haut de l'estran vaseux, où il peut être agréable de débarquer.

Plénitude - Ph. Catherine Lippinois Ph. Catherine Lippinois

L'épave d'un chaland collée à la rive nous intrigue, et nous débarquons sur la rive, mais un fossé de drainage bloque notre progression et nous décidons d'aller voir plus loin. Une sorte de petite prairie d'herbes recouvertes à chaque marée nous attire et nous mettons pied à terre de nouveau. Nous explorons la berge, puis faisons une incursion à l'intérieur de l'île. Il y a là un petit château habité par des Anglais.

Mais la marée monte, le vent d'ouest souffle et il faut se dégager de cette côte exposée au vent. Le départ est très laborieux : le clapot très creux limite l'efficacité des avirons, le fardage des deux mâts se fait sentir, et faute de fond il est impossible de descendre la dérive pour partir à la voile. Benoît s'installe aussi aux avirons et nous retrouvons assez de puissance pour nous dégager du ressac.

Je propose à mon équipier de venir découvrir le vasard de Beychevelle. Nous atterrissons sur l'embarcadère où j'ai passé la nuit précédente et faisons une petite visite à terre.

Plénitude - Ph. Catherine Lippinois Ph. Catherine Lippinois

Ensuite nous partons rejoindre le bateau de Catherine et Christian. Catherine m'a promis de photographier Plénitude toutes voiles dehors. Rares sont les occasions de faire un portrait de son voilier. J'apprécie à sa valeur ce petit privilège. Le courant n'est pas trop fort et la brise bien établie. L'écran du vasard nous protège du clapot. Les conditions sont idéales. La misaine et l'artimon portent presque sans un pli, l'étrave chantonne, les manœuvres s'enchaînent avec souplesse : tout est joie et pur plaisir de la voile.

Soirée tranquille

Nous arrivons finalement presque sans erre sur l'arrière de Vatéa. Christian, debout dans la jupe, nous lance une grosse aussière que je tourne autour du premier banc.

Un voilier solide, des visages amis, un bon repas servi sur la table du carré : nous passons ainsi une soirée tranquille pleine de bonheurs simples.

La nuit venue nous sommes invités à dormir dans la cabine avant, à l'abri de la bruine qui menace.


Mercredi 24 juillet | Vendredi 26 juillet


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