Les canards s'en lavent les pattes

Croisière en gabarot - juillet 2002

par Jean-Bernard Forie
Photos : Jean-Bernard Forie


Lundi 22 juillet 2002

Nuit confuse, où la fatigue de la préparation intense de cette randonnée se mêle à l'excitation du départ, et surtout nuit trop courte.

Depuis plusieurs semaines, en effet, je m'active à préparer pour la randonnée nautique ce canot conçu pour la petite balade à la journée. Il s'agit d'une navigation plus dure, plus aventureuse, et pour laquelle une multitude de détails doivent être mis au point. Je pars fatigué et tout n'est pas parfaitement prêt faute de temps. À Dieu vat !

En partance sur les quais de Libourne
En partance sur les quais de Libourne

La mise à l'eau du canot se fait sur les quais de Libourne, au confluent de l'Isle et de la Dordogne, vers 6 heures du matin.

J'embarque le matériel, puis saute ensuite à bord et rame vers le ponton réservé aux visiteurs. Le courant montant est trop fort, le ponton trop haut, hérissé d'aspérités métalliques, inabordable pour un canot comme le mien : je préfère aller au ponton du club d'aviron, installé un peu plus loin.

Un poisson saute à bord

Quand les rames plongent dans l'eau pour la première fois, elles effraient un poisson qui saute à bord. Je le remets à l'eau. Est-ce un signe ?

Le soleil est déjà haut dans le ciel, l'air plein de senteurs alors que souffle une petite brise de nordet : joie et excitation des partances ! Le courant s'inverse et je largue les amarres.

Brise assez portante, marée propice, pas de clapot : à 14h environ, après avoir descendu sans encombre la Dordogne, j'atteins Bourg-sur-Gironde. La renverse a lieu là et j'opte pour un bord près de la rive, à la recherche d'un contre-courant pour continuer à progresser vers l'aval.

Je pique l'étrave du canot dans la vase de la berge, près des pontons réservés à la plaisance, et abats le mât. C'est une opération qui attire quelques badauds. On me hèle : « Voulez-vous aborder ? ». « Non ! ». J'empoigne les avirons et repars en rasant la rive du plus près que je peux.

C'est une lutte acharnée qui commence là. Il faut littéralement se plaquer à la berge pour espérer trouver un courant plus faible, il faut se glisser sous les passerelles des pontons, raser les pieux et les souches à moitié immergés, laisser le talon de quille racler des obstacles invisibles, juguler les embardées provoquées par les tourbillons. C'est un défi qui s'achève à la pointe de la Reuille. Il n'y a plus de zone de contre-courant. La marée exerce sa puissance sur toute la largeur du fleuve.

Je jette l'ancre à l'ombre de la berge et me repose un moment : casse-croûte et sieste.

17h30, c'est l'heure de la renverse. La voilure est établie et je repars. La nuit tombe alors que je m'engage dans le chenal entre le vasard de Beychevelle et l'île Nouvelle. Le clapot y est moins dur, et rapidement j'atteins l'extrémité aval du vasard.

Où jeter l'ancre pour la nuit ? Je m'arrête près de la berge et c'est une erreur, parce que la brise de nord-est ne faiblit pas et provoque un petit ressac qui me bouscule. J'oublie de relever la dérive, et la voilà bloquée par sa cheville de sécurité quand la marée descend et qu'elle touche le fond. Impossible de la sortir de son puits ! Le canot s'incline, le bas de la dérive s'enfonce dans la vase heureusement assez fluide, le petit ressac du courant claque sur le bordage fortement incliné et mouille l'intérieur. Situation désagréable, alors qu'il fait nuit noire, et qui ne cesse qu'avec le retour du flot.

Il ne fallait pas s'arrêter ici mais aller plus loin, essayer de rejoindre un estey quelconque sur la rive du Médoc. J'ai eu peur de ne pas pouvoir surmonter la fatigue, la nuit précédente ayant été presque blanche.


Présentations | Mardi 23 juillet


Estuaire intime En canot sur l'estuaire
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