Les canards s'en lavent les pattes

Croisière en gabarot - septembre 1994

par Jean-Bernard Forie


3 au 5 septembre 1994

Tranquillement installé pendant quelques jours dans le jardin d'amis compréhensifs, à Villenave-d'Ornon, dans la banlieue de Bordeaux, je passe mon gabarot à l'huile de lin, puis réalise un puits de dérive, et la dérive elle-même, en contreplaqué d'environ 15 mm d'épaisseur et d'une longueur de presque un mètre. Autre nouveauté, j'installe sur le tableau un petit gouvernail d'une seule pièce en bois massif. La navigation avec une dérive latérale qu'il fallait changer de bord à chaque virement, ainsi que le contrôle de la direction avec une simple pagaie ayant fini par me lasser... La préparation du bateau est rapide et manque un peu de finition. On fera avec, sans se formaliser. Enfin, j'ai décidé de partir seul.

Le coffre aux vivres
Le coffre aux vivres, décoré par votre serviteur

Ce dimanche matin c'est la frénésie. De chez moi je charge une masse de matériel (dont une partie est inutile, je le sais, mais on ne se refait pas) dans le vieux fourgon tout terrain avec lequel je me déplace habituellement et roule vers Villenave-d'Ornon. Une fois revenu dans le même « jardin d'attache », il reste encore beaucoup à faire, dont la découpe et le rabotage de la dérive, ainsi que les essais d'établissement de la voilure. On en profite pour faire une séance de photos et puis, entouré d'un groupe de proches, nous fourrons avec bonne humeur  le bateau mis sur la tranche (et dont deux bons mètres dépassent de l'arrière) ainsi que tout son équipement dans mon fourgon pour le conduire à la cale de Cadaujac, dite Port de Grima, au bord de la Garonne.

C'est dimanche après-midi, il fait beau et beaucoup de gens se promènent au bord de l'eau. L'arrivée de notre groupe tumultueux les retient et une trentaine de personnes s'installent sur la rive en multipliant les commentaires. Ils attendent, mi-goguenards, mi-amusés, la scène la plus captivante du petit film qu'on leur sert là, à savoir la mise à l'eau.

Départ de Cadaujac
Départ de Cadaujac

Avec l'aide de mes amis, je pousse le bateau qui glisse avec bonne volonté sur les pierres et les plaques de vase de la cale. Après avoir embarqué tout le matériel et installé le gréement, je fais glisser la coque dans l'eau d'une dernière pression du pied. J'engage le gouvernail dans ses ferrures, puis la dérive. Je me retourne, fais un bref signe de main à l'aimable assemblée qui se tient au bord de l'eau et je suis aussitôt entraîné par le courant. Un rideau de végétation nous cache. Me voilà seul.

La marée monte, le vent m'emporte, une brève ondée m'oblige à sortir mon ciré. Même avec son puits de dérive décalé en abord, le bateau répond bien à la barre et peut remonter au près, pas très serré mais convenablement pour une navigation en rivière (où l'on s'arrange pour être toujours aidé du courant).

Les rives déroulent devant moi leurs cordons de verdure, de roseaux, d'estacades et de belles maisons qui se mirent et s'admirent dans des eaux calmes que de rares souffles couvrent d'écailles bleues. Le jour décline lentement. La brise du soir, avant de s'évanouir définitivement, fait bruisser les rangées de peupliers qui bordent la rive.

Me voici devant Langoiran, tirant un bord au pied des chantiers Tramasset, puis à Cadillac, où je décide de faire escale. En effet, là, j'ai la certitude de pouvoir échouer l'Espérance au sommet de la cale, pour être hors d'atteinte du mascaret, à la renverse de flot. Il est en effet hors de question d'exposer à la déferlante du mascaret un esquif non ponté au franc-bord aussi faible. Au contraire il faut chercher à échouer sur la berge le plus haut possible.

C'est l'heure de la renverse. Les eaux se retirent très vite, laissant mon gabarot allongé sur un lit de pierres humides. Je m'organise pour un dîner rapide, puis dresse la voile sur deux avirons croisés. Ce cabanage, comme on dit, me procure un abri très correct.

Escale à Cadillac
Escale à Cadillac

Présentations | Lundi 6 septembre


 

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