18 juin, presqu'île de Talmont, jour de la fête —Ciel de mica, les portes de l'été. Les équipes d'installation —visages gris, petits yeux —ont travaillé à monter les tentes jusqu'avant l'aube. A dix heures les draps sont encore pliés, haute pile à la porte du musée. L'inauguration est prévue en fin de matinée. Maintenant il est onze heures, premiers draps hissés, voiles gonflées et qui retombent. Le silence monte du fleuve, la chaleur. Entre les draps, l'estuaire poli comme un acier. Vers treize heures l'eau revient, la flottille quitte Meschers. Gabares, yoles, gréements auriques, voiles au tiers, du bleu au rouge. L'église sur son roc, plaquée de lumière, flottille à la fleur du vent, marbrures du platin, ombres des bancs d'algues. Sur le chemin de ronde la paille fait cligner des yeux, les textes calligraphiés interrogent.
19
juin, presqu'île de Talmont —Huit
heures. Ciel plombé, le vent
s'élève, coup d'ouest : les
draps
les plus exposés se déchirent
ou renversent leurs piquets. Il faut
en affaler une bonne moitié,
réduire la toile. Les autres,
plaqués contre des murs ou érigés
dans des ruelles abritées, attendront
l'intervention des équipes de
démontage. Au Point Accueil,
les hôtesses rangent la fête,
les visiteurs d'un dimanche habituel
emplissent les rues. Durant ce décrochage
improvisé, les langues se délient.
Ce qui avait été tu hier
trouve à se dire. Les questions
fusent, les uns les autres expriment
leur intérêt pour le thème
choisi, les femmes du fleuve se rendent
présentes, visibles —et
cette question lancinante de la disparition,
des valeurs qu'incarnent les lignées,
de leur transmission, de l'héritage
auquel aspire une société laminée.
Maintenant que la fête et ses
officiels ont gagné Vitrezay,
maintenant que la presqu'île
se retrouve face à elle-même ! C'est le propre du geste artistique
de se dérober à qui veut
le saisir, et de saisir qui s'en détourne,
de ressurgir. Une présence absence
qui travaille.
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