Crépuscule sur Cordouan
Vous êtes ici : Accueil > L'estuaire des artistes > Création artistique à Talmont > Christian Lippinois

Talmont-sur-Gironde

Une démarche de création artistique au fil des mois
 
11 avril, Blaye, sous la citadelle —Petit temps, le fleuve luit sous un quartier de lune, les lumières de Lamarque semblent à porté de main. L'odeur de l'herbage tondu de frais se mêle aux senteurs des vases. Au matin sur les remparts les rires des collégiens attendant la reprise des cours, premières hirondelles. Voilà plus de dix jours que la huppe fasciée est de retour. Son vol bariolé traverse au matin le terre-plein et disparaît derrière les remparts.
La pêche au fil du fleuve appelle à témoignage la tradition : bateaux du patrimoine, chants de marins, parole des anciens, contes et récits —et qu'en est-il des draps tannés à la vase ? Paroles adossée à une tradition, parole scrutant l'avenir au moment où se fragilise la ressource naturelle et se développent les pratiques de pisciculture. Oui, les questions que pose l'avenir occupent le cœur de la transaction. Question de l'identité du territoire et de ses acteurs, question de ses ressources biologiques et de leur gestion. Comment faire parler les draps ? Et d'abord, d'où parlent-ils ? Seraient-ils la parole des femmes de pêcheurs qui auraient en dernier recours sorti leurs draps de l'armoire et les auraient portés au fleuve pour qu'il y laisse une trace, la réponse du territoire au questions qu'on lui pose  ? Car dans tout ce débat le territoire doit bien avoir quelque chose à dire  ? Les hommes hissent leurs voiles et déploient leurs filets, au fond rien que de très normal ; les femmes sortent les draps, voilà de quoi surprendre ! Qu'ont-elles à dire sur les lignées ? Sur l'identité du groupe ? Les femmes de pêcheurs parlent à des femmes, elles parlent de vie, de mise au monde peut-être. Et pourquoi les femmes prennent-elles la parole ? Soupçonnent-elles les hommes de taire certaines choses, des choses pourtant fondamentales ? Ou considèrent-elles la parole des hommes captive de canaux usés par la société télévisuelle, alors que la survie du groupe, l'urgence, exigent de serrer de plus près la vie, la vraie vie. D'ailleurs La pêche au fil du fleuve fait la part belle au témoignage viril : chants de marins, bateaux du patrimoine, récits d'hommes…Et les femmes ? Donner la parole aux draps, aux mères ? Suggérer autrement, parler du territoire comme étoffe de l'histoire et matrice des lignées  ?

© Conservatoire de l'estuaire de la Gironde