26 février 2005, Talmont —Sur
la presqu’île, face au fleuve. Se garder
en présence de l’espace estuarien, prendre
le tour de guet. Eglise Sainte Radegonde, nef haute creusée
pour la résonance, pour capter l’onde de
fond du grand estuaire, le craquement des chemins d’oiseaux.
Le fleuve fume, le sable court, corpuscules d’une
pensée insoumise : la mailler dans la texture
du chant grégorien, capteur pour rendre audible
une pensée raréfiée, oreille tendue
vers le chant de l’infime, du dispersé,
les ondes de desserrement dont le souffle fait vaciller
la flamme du cierge, infléchit la ligne du chant.
Crissements d’un vol d’oies, trombes du noroît,
feuillet de silence, de mica, d’or. Le chant gardant
l’empreinte des vacillées du sud dans son
tissu tonal. Douzième siècle naissant.
Aux orbes d’ombre opposer un rempart de neuvaines,
de chant grégorien, serres ou crocs, appel des
louves, drakkars annoncés par des vols de corbeaux,
l’éclat des haches d’assaut. Sainte
Radegonde, tympan sensible, percevant le froissement
des écailles du dragon, le fleuve charriant sa
pensée, la mouvée des esturgeons, le râle
du maigre. Fixer le dragon, geste de Saint-Georges le
clouant, geste du copiste fixant la pensée, crissement
de sa plume courant sur le parchemin, geste du calligraphe,
pouvoir de l’écrit fixant des flux de conscience,
le cours sauvage des émotions, dénombrer,
nommer, dire la loi, tirer le sillon, dresser la pierre.
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